Au TNB, Théâtre National de Bretagne, se déploie du 7 au 24 novembre, Mettre en Scène, un festival dédié à la création contemporaine dramatique et chorégraphique. Jetons un coup d’œil sur sa programmation et relevons parmi les 26 propositions celles qui témoignent d’un passé à l’aise dans le présent.
Venus directement de la Grèce antique, les Oiseaux d’Aristophane mis en scène par Madeleine Louarne dénoncent les vices et les fragilités d’une démocratie corrompue et le Banquet signé Christine Letailleur suit le cheminement de Platon, de l’expérience sensible et singulière de la beauté charnelle à l’essence intelligible de toute beauté.
D’autres œuvres, étrangères au répertoire antique, sont intimement « travaillées » par un flux de références prégnantes. Thomas Ostermeier s’empare de Mort à Venise, hanté par la nouvelle de Thomas Mann, le film de Luchino Visconti et l’adagietto de la Cinquième symphonie de Malher, et il fait surgir sur le plateau le déchaînement de bacchantes porteuses du désir dionysiaque et mortellement contenu d’un écrivain vieillissant. Quant aux interprètes de Rings,une oeuvre conçue par Julia Cima, ils nourrissent leur travail de la Médée de Hans Henny Jahn et de la Penthésilée de Heinrich Von Kleist.
Au sein de ce festival qui associe toujours la réflexion à la création, les Rencontres Télérama proposent d’interroger Les Etats du théâtre en France et en Europe. Parmi les évolutions repérées des pratiques artistiques actuelles remarquons que s’invitent aujourd’hui sur les plateaux :
– une certaine diversité, avec par exemple les interprètes handicapés mentaux des Oiseaux ou la présence notable de signatures féminines
– une forte affirmation des corps et des mouvements : ceux des beaux jeunes gens du Banquet « disent » l’attractivité de leur séduction comme la frénésie des danses orgiaques de Mort à Venise révèle la puissance incontrôlable du désir
– un mixage des disciplines, tel qu’en jouent les duels chorégraphiés de Rings, appariant et dissociant au gré des rencontres du féminin et du masculin, les apports du chant et de la danse, de l’instrument et de la composition musicale et scénographique
– un statut « autre » du texte qui devient matériau, et un parmi les autres, d’une écriture scénique mise en place sur le plateau pour faire spectacle et représentation d’un monde fragmenté. Une voix pour lire Thomas Mann à la périphérie et l’irruption du corps du lecteur, acteur d’une interruption du jeu venant casser l’illusion d’un envoûtement possible, un théâtre à coup sûr bousculant les repères.
– une mise en scène portée par le collectif de tous ceux que l’œuvre mobilise et non par le seul regard de qui assume la responsabilité de conduire le spectacle à bonne fin.