Adaptation théâtrale de la bd Roma 3. Tuer César
D’après la bande dessinée Tuer César – Série Roma de Annabel, Eric Adam, Pierre Boisserie, Gilles Chaillet et Didier Convard © 2016 Glénat Editions

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A. Petite histoire d’un projet

C’est un projet assez fou que celui de proposer une adaptation théâtrale d’une bande dessinée, a fortiori historique ! Aussi ne pouvait naître celui-là – qui traite d’un épisode illustre de l’histoire romaine – que dans et pour une cité prédestinée ayant ajouté au début du XXème siècle l’attribut de « la-Romaine » à son appellation de Vaison.

Sur le berceau de ce projet s’est penchée une bonne fée qui sous le nom de Festival BDAOC de Vaison-la-Romaine et l’apparence de son instigateur passionné, Alain Germaine, accueillit un jour un certain Gilles Chaillet, un autre passionné d’envergure fasciné depuis l’enfance par l’Histoire et notamment l’histoire antique.

Scénariste et dessinateur prodigieux, auteur ou collaborateur de maintes séries, il livra en 2004 aux éditions Glénat l’œuvre d’une vie consacrée à l’étude de la Rome antique et qui, au terme de milliers d’heures d’un travail scientifiquement mené, prit la forme d’un ouvrage restituant la Rome du IVème siècle de notre ère : Dans la Rome des Césars.

Gilles Chaillet offrit à Vaison-la-Romaine une carte de cette Rome, au format de 3m25 x 2m, visible sur un mur du petit amphithéâtre du musée Théo Desplans au cœur du site archéologique de Puymin. L’examen ou plutôt la contemplation de ce travail d’artiste, méritant assurément l’épithète de romain, ne pouvait que fasciner le spectateur attentif.

Découvrir quelques années plus tard le projet ambitieux conçu par ce visionnaire d’une série de dix volumes retraçant l’Histoire de la Ville éternelle, une ville-monde, autour d’épisodes-phares tissés de fiction romanesque, ajouta au plaisir de la découverte initiale. Le fil rouge d’une malédiction métaphorique signant le destin de l’Urbs tramait celui de la série Roma.

Quand les Parques usèrent de leur droit d’interrompre le cours de sa vie en 2014, Roma aurait pu entrer en déshérence mais Gilles Chaillet avait allumé le feu et nul parmi ses proches n’entendait le laisser s’éteindre. De La malédiction en janvier 2015 à La peur de l’illusion en février 2017, les albums se sont enchaînés par la volonté des gardiens du temple.

En cinq titres, autour de Chantal Chaillet, son épouse et coloriste de talent, scénaristes, dessinateurs, historien, éditeur, assurèrent la relève de cette fresque tumultueuse ombrée de fantastique et d’ésotérisme. Au jeu des métamorphoses dont le poète Ovide fut le chantre, une seule et même partie se redonne sans fin, ignorée des acteurs qui s’y abandonnent.

C’est à l’une de ces parties, jouée dans Roma3. Tuer César, que l’association Hadrien 2000 porteuse depuis 1997 d’un projet de valorisation de l’héritage culturel antique a choisi de s’intéresser de plus près en proposant aux responsables de la série d’en mener à bien une adaptation théâtrale. Alea jacta est, folie ou raison, ensemble nous avons jeté les dés…

B. Ainsi fut fait Palladium

Il fallut d’abord réfléchir à ce que pouvait être l’adaptation théâtrale d’une bande dessinée dont le rythme et les visuels ne s’accordent pas aisément à ceux d’un plateau, alors que s’est imposé le choix de respecter le scénario au plus près et de maintenir les répliques textuelles, à l’exception de quelques paroles goûteuses et sulfureuses, censurées à regret…

D’essais en essais, nous optâmes pour un découpage en 20 tableaux se succédant au rythme musicalement assisté de changements de décors obéissant aux fantaisies de bédéistes doués mais inconscients des contraintes spatio-temporelles qu’ils allaient faire peser sur nos cerveaux et nos épaules, jusqu’à nous obliger à créer l’emploi de techniciens-comédiens !

Conscients que Dame Fortune ne nous autorisait pas des choix scénographiques dispendieux, nous convînmes très vite que la mise en scène devrait adopter une vision plutôt arte povera et que la distribution pourtant drastiquement réduite de 30 à 20 intervenants mêlerait nécessairement pros et amateurs, plutôt confirmés.

Ayant renoncé aux effets péplum dont certaines vignettes nous avaient créé l’envie, nous n’hésitâmes guère à faire endosser plusieurs rôles et donc plusieurs costumes à quelques comédiens dont nous témoignons qu’ils furent de très bonne volonté. Nous n’hésitâmes pas plus à faire venir d’un musée athénien une copie d’idole cycladique pour jouer le Palladium.

Car le Palladium est le véritable héros de la série Roma et de cette histoire à répétitions où dans cet épisode l’imperator Caius Julius César n’est sous les ors du pouvoir et de l’ambition qu’une marionnette manipulée par la figure du destin, maléfique déesse emprisonnée dans son corps d’orichalque : c’est pourquoi nous avons titré ainsi notre spectacle.

Au son des instruments anciens aux noms latins – tuba, cornu, bucina, tibiae pares, cymbala, tympanum – nous avons opté pour le plaisir d’un jeu au premier degré, accessible à tous, et sollicitant parfois les interventions du public. Le traitement de l’intrigue favorise des émotions et des réactions diverses, de la complicité à la moquerie, du proche au lointain.

Il n’est toutefois pas interdit de percevoir la trame sous-jacente de ce divertissement invitant aussi sans trop en avoir l’air à prendre la mesure du piège mortel où s’enferrent les sociétés quand elles s’abandonnent aux passions destructrices d’un palladium faussement protecteur ou quand elles en méconnaissent les puissances mortifères.

Il ne nous appartient pas de dire si nous avons réussi notre pari de faire vivre sans la trahir cette bd que nous avons adoptée et de distraire notre public par ce voyage dans un « illo tempore » revisité sans renoncer à l’agrément d’un zeste de méditation subreptice. Mais nous confessons sans réserve notre plaisir d’avoir pu monter, même sans potion magique, ce Palladium, notre Palladium !