C’est à Athènes dans la Grèce du Vème siècle avant J.C. que débute magistralement l’aventure du théâtre occidental. S’éloignant des rituels magiques et religieux, nourri des légendes des dieux et des héros colportées par des conteurs d’épopées, le théâtre ouvre à la représentation de faits mêlés de mythe et d’histoire un espace et un temps qui lui sont dédiés.

Au cours de fêtes solennelles célébrant Dionysos et son cortège dans l’enthousiasme du peuple de la cité assemblée, des auteurs-metteurs en scène-comédiens s’affrontent dans un concours dispendieux financé par les élus d’une démocratie très aristocratique.

Fin mars, lors des Grandes Dionysies, chaque concurrent présente quatre spectacles enchaînant trois œuvres tragiques et un drame satyrique (un peu de distance remet de l’ordre dans les esprits et les cœurs troublés par les émotions violentes), spectacles soumis à l’appréciation d’un jury tiré au sort et d’un public de parfaits connaisseurs des faits mis en scène dont ils savourent et critiquent les variantes et interprétations offertes à leur curiosité.

Le genre qui règne en maître c’est la tragédie, exploration privilégiée des malheurs et des violences exercées et subies au sein de deux lignées maudites, celle des Atrides de Mycènes et celle des Labdacides de Thèbes, constellations barbares (même quand elles parlent grec…) et somptueuses autour des figures phares et malmenées d’Agamemnon le roi des rois, et d’Œdipe l’usurpateur boiteux. Et avec leurs noms rôdent dans nos mémoires ceux d’Eschyle, Sophocle, Euripide, tous trois enfants de cet Homère qui vécut trois siècles avant eux et qui racontait des histoires vieilles déjà de quatre ou cinq siècles, auteurs féconds (une centaine de pièces pour chacun d’eux) dont l’œuvre ne nous est que partiellement connue :

  • 7 pièces d’Eschyle dont une tragédie « historique », Les Perses , une aventure privée de sa suite Prométhée enchaîné et la seule trilogie qui nous soit parvenue, L’Orestie ;
  • 7 pièces de Sophocle dans le cycle thébain avec Œdipe-Roi, Œdipe à Colone, Antigone ;
  • 19 pièces d’Euripide dont nombre de rôles-titres sont féminins, Alceste, Médée, Andromaque, Les Troyennes.

Mais il a fallu attendre cinquante ans pour que la comédie prenne place dans les concours, acquière ainsi ses lettres de noblesse, et fasse rire en toute connivence et quelques grincements de dents des outrances et des mœurs d’une société qui accepte de se connaître en sa caricature. Alors sous leurs masques grossiers, les « guignols », politiquement incorrects d’Aristophane font reculer – un moment… – sous la morsure de la dérision, les magouilles et les incompétences des puissants du jour. « Les oiseaux » et « Les grenouilles » moquent les icônes du pouvoir et les femmes sont invitées, à l’instar de Lysistrata, à la grève du sexe pour ramener la paix entre les belliqueuses cités avides de primauté.

A la comédie ancienne succède un peu plus tard avec Ménandre la comédie nouvelle et les élégances de ce lettré affinent des personnages-types dégrossis de la puissance farcesque outrancière de leurs prédécesseurs. Le parvenu, le glouton, le grincheux, l’entremetteuse s’installent pour longtemps sur la scène comique…