Nous avons accueilli en juillet 2012 la représentation de Suréna, la dernière tragédie de Corneille, spectacle dont la beauté avait subjugué le public de la Semaine de Théâtre Antique. Lorsque Florence Beillacou, la fondatrice et metteuse en scène de la Cie La Lumineuse nous a contactés pour nous parler de son nouveau projet, monter la première tragédie de Corneille, nous n’avons pas hésité un instant à lui dire que nous programmerions cette pièce pour notre vingtième édition, tant son travail de restitution contemporaine du théâtre baroque avec ses codes de jeu spécifiques nous avait convaincus.

Le « jeune Corneille » joue avec délices, dans cette pièce non bridée par les exigences du « classicisme » à venir, du monstrueux et du fantastique, dans une langue puissamment charnelle et passionnée. Il explore avec une extrême finesse l’humanité sise au cœur et au corps d’un personnage dont la violence verbale et meurtrière explose le tabou suprême de l’infanticide. Si sa Médée manifeste une hubris glaçante et grandiose, comme dans toutes les versions du mythe, et suscite chez le spectateur, comme il se doit dans le théâtre tragique, terreur et pitié, elle est aussi l’être blessé piégé par les passions et ambitions des autres qui nous émeut profondément.

La diction baroque, le jeu frontal des comédiens, l’éclairage à la bougie, les panneaux dorés glissants situant la grotte ou le palais, sont mobilisés par une mise en scène dont l’esthétique plonge le public dans une atmosphère raffinée et irréelle. A ce baroque conjoint de la langue et des effets visuels et sonores, s’ajoute le resserrement sur l’action permis par la réduction d’environ 1/5 ème du texte, la suppression de personnages secondaires et le renforcement du rythme par la ponctuation de percussions.

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