Programme de juillet-août 2022 à 19h au théâtre du Nymphée

L’édition 2022 des Capsules estivales est réalisée avec le concours de C. Bastide, A. Blazy, R. Brun, P. Brunet, E. Grosber, A. Lepère, H. Mieville, J. Navaro-Vera, D. Ragonot, A. Torqueo.

Vendredi 1er juillet 19h-21h : « Laurent Gaudé : Escales imaginaires »

Cette lecture-spectacle, issue d’un atelier-lecture consacré de septembre 2021 à juin 2022 à l’étude de dix livres de Laurent Gaudé, se propose de susciter l’envie de découvrir ou de redécouvrir l’œuvre de cet écrivain flamboyant et généreux qui ne cesse d’arpenter les terres où s’affrontent et se mêlent puissances de vie et puissances de mort.

Vous trouverez ci-après le mode d’emploi de la lecture-spectacle, ainsi qu’une introduction à l’écoute de chaque extrait dont la lecture à haute voix a pour objet de susciter l’envie de lire le livre.

1 – La mort du Roi Tsongor – Dans le lointain d’un temps reculé et d’un espace géographiquement incertain, un roi assoiffé de conquêtes repousse vingt ans durant les limites de son empire jusqu’au jour où il livre bataille à un peuple primitif du bout du monde. Il y fait la rencontre qui scellera son destin.

2 – Le soleil des Scorta – Un village des Pouilles abrite sur plusieurs générations une famille qui relève fièrement au gré des épreuves traversées l’honneur d’un nom que la violence d’un ancêtre a frappé d’opprobre. En un moment rare et précieux dont ils se souviendront à vie, c’est autour d’un fabuleux repas partagé que le clan s’éprouvera heureux.

3 – La porte des Enfers – Depuis l’antiquité court le bruit qu’à Naples on accède aux Enfers par une voie secrète, enfin identifiée par un érudit qui va ainsi permettre à un père endeuillé, accompagné d’un vieux curé ami, d’entrer dans ce royaume des morts interdit aux vivants pour tenter de ramener sur terre son enfant perdu.

4 – Sodome ma douce – Le châtiment du ciel s’est abattu sur Sodome et Gomorrhe, les cités vouées aux plaisirs. Enchâssée vive dans un linceul de sel, la dernière sodomite s’éveille des siècles plus tard sous l’averse qui lui redonne vie. Se souvenant des douceurs et des libertés qui enchantèrent le monde, elle promet de les lui restituer, à sa façon…

5 – Je finirai à terre – 3ème nouvelle d’un recueil de 4 qui porte le titre de la 1ère Les oliviers du Négus, nouvelles qui toutes disent la fragilité humaine confrontée à la mort, Je finirai à terre exprime la douleur puis la colère de Gaïa ravagée par les bombes de 14-18. Alors de la boue Gaïa va faire une arme, modelée tel un nouveau Golem.

6 – Pour seul cortège – Victorieux du roi perse Darius III, Alexandre meurt à 33 ans et laisse son empire aux mains d’héritiers qui se déchirent sa dépouille. Du sarcophage, attendu au bord du Nil par l’armée de Ptolémée, s’élève la voix du défunt, entendue de ceux-là seuls à qui elle s’adresse : Dryptéis, venue accomplir le désir sacré d’Alexandre, et Ptolémée.

7 – Danser les ombres – A Port-au-Prince le goût du bonheur et de l’amitié, hautement affirmé entre amis survivants de violentes répressions policières, est de nouveau menacé par le tremblement de terre qui fracture les sols et les esprits et abolit, dans le trouble et la confusion d’un moment et d’un lieu, la barrière séparant les vivants et les morts.

8 – Salina, les trois exils – Que deviendra le nourrisson hurleur inconnu qu’emporte un cavalier indifférent à son sort et missionné pour le déposer où l’on voudra bien de lui peut-être, peut-être pas ? Au terme de ce récit des origines composé en préambule de ce livre, quelles émotions s’empareront donc du lecteur/spectateur et quelles questions … ?

9 – Nous l’Europe, banquet des peuples – Si l’ennui naquit un jour de l’uniformité, le chemin chaotique parcouru en un peu plus de deux siècles par ce qui est devenu l’Union européenne ne semblerait pas souffrir d’un tel constat. Son histoire se lirait plutôt comme une suite ininterrompue de bouleversements d’importances inégales. A titre d’exemple, ajustons notre focale sur l’un de ces épisodes, entre vie survoltée et prémisses d’une tragédie à venir.

10 – La dernière nuit du monde – C’est la nuit-bascule où le jour naissant chassera définitivement la nuit, et c’est au cœur de cette nuit-là que l’homme maître-d’œuvre de ce séisme civilisationnel découvre qu’il lui est impossible de rejoindre son épouse gravement accidentée et proche d’une issue fatale. Désemparé, désorienté, pourrait-il retenir la nuit ?

Mardi 12 juillet 19h-21h : « Médée // Cassandre » du Théâtre Demodocos

Philippe Brunet et deux de ses comparses du Théâtre Demodocos offriront la découverte en avant-première d’une création confrontant deux figures féminines tragiques, celle de la monstrueuse Médée meurtrière de ses enfants et celle de Cassandre, malheureuse victime propitiatoire de la malédiction divine. Le regard et l’écoute portés aujourd’hui à ces héroïnes de haute stature témoigneront-ils d’une lecture scandaleuse des textes anciens ?

Le motif mythologique

Médée et Cassandre viennent d’Asie. L’une, magicienne, la fille du Soleil, venue des replis de la mer noire, entre Caucase et Danube, a aidé Jason à emporter la toison d’or, puis l’a suivi jusqu’à Corinthe, où elle est restée lointaine, sauvage, étrangère, inassimilable, malgré les deux enfants qu’elle donne à son protégé ; répudiée par Jason, elle tue ses propres enfants et sa jeune rivale, avant de s’envoler ; l’autre est une captive troyenne, une princesse de sang royal, prêtresse et prophète d’Apollon, divinatrice condamnée à ne jamais être crue ; elle porte le malheur des siens, de sa ville, et partagera le malheur du vainqueur, Agamemnon.

Etrangères, elles parlent toutes deux une langue inconnue, incompréhensible, en totale rupture avec leur entourage.

La figure de Médée a inspiré le drame éponyme d’Euripide ; Cassandre constitue le sommet lyrique et dramatique de l’Agamemnon d’Eschyle.

Interprétation et dramaturgie

Après l’issue fatale et sanglante de leurs deux destinées, les dramaturges de l’Antiquité ont choisi d’actualiser l’événement en leur donnant, de toute éternité, la posture particulière que ces femmes avaient dans le mythe. Joués par des acteurs masculins masqués dans l’Antiquité grecque, les deux personnages sont en contradiction avec leur entourage ; le visage de Médée dément son sentiment tourmenté. Celle-ci dissimule sa souffrance et son projet meurtrier, ou le confesse aux femmes du Chœur qui ne peuvent que constater avec effarement la noirceur du projet. Cassandre, incapable de répondre à Clytemnestre qui l’interrogeait, porte ses visions à un point extrême d’incompréhension et d’énigme pour les Vieillards du Chœur qui l’entourent.

Un témoin, sur les lieux du drame, tente de recoller dans sa mémoire les morceaux d’une mémoire inconcevable. Ce pourrait être un philologue. Ou un moine, une sorte de prêtre. On voudrait dire un poète, si le terme n’était galvaudé et porteur de très dangereuses ou douteuses représentations.

Le nô de Médée. Un moine veille sur la tombe des enfants de Médée. Pourquoi a-t-il choisi de veiller sur cette destinée particulière ? On ne sait. Mille autres destins auraient mérité son attention et sa piété. En tout cas, à un moment il s’efface lorsqu’il pressent l’approche de l’Ombre de Médée. Et elle arrive, comme dans un nô, avec un masque de nô, celui de la jeune femme, de l’aimée, de la jeune fille qu’elle voudrait redevenir pour l’éternité, et vient expier son funeste geste de la seule manière possible, en le rejouant littéralement, dans les mots d’Euripide, plaçant ses pieds dans les pieds de l’iambe tragique.

Le nô de Cassandre. Un aède revient à l’emplacement du palais de Mycènes. Il joue sur son instrument. Il voudrait chanter les éléments de l’épopée. L’Odyssée l’emmène chez les ombres, il suit Agamemnon. Il voudrait raconter l’incompréhension de tous. Mais il doit jouer. Il résout la contradiction dans le jeu, dans le choix du drame. Il chausse à vue son masque, sa coiffe, les voiles de la robe. Il ne raconte plus. Il joue. Il reprend les mots d’Eschyle. Il fixe les vertiges méliques qu’il esquissait sur son instrument. Il place ses pas dans les pas de la parole de Cassandre.

Pourquoi la dimension du nô ?

Le théâtre japonais est issu, on le sait du théâtre continental invité par l’empereur nippon au VIIe siècle. Les masques, les danses sont restés dans le théâtre de Gigaku. Au XIVe siècle, le nô s’est réinventé sur ce fond de théâtre masqué, chanté, dansé, choral, avec une dimension religieuse nipponne plus spécifique.

Au XXe s. les théâtres d’Asie ont fortement fasciné les metteurs en scène occidentaux, ont nourri leurs imaginaires et inspiré leurs recherches de formes théâtrales. C’est parfois dans une expression exotique qu’ils ont tenté de faire vivre le répertoire de l’Antiquité.

Or, il y avait une expérience plus littérale, plus radicale à mener sur ce répertoire davantage connu par son aspect littéraire que par sa dimension dramaturgique et théâtrale. En s’approchant de sa rythmique, de ses formes strophiques, de ses danses, de son jeu masqué, de sa langue.

Dans sa relation à l’Autre (africain, asiatique), qui est souvent au cœur de ses préoccupations, la tragédie grecque pouvait donc trouver une manière de se refonder dans son étrangéité et dans l’étrangeté que constitue son être propre, négligé (ou méprisé aujourd’hui par une partie du théâtre contemporain).

C’est pourquoi Médée et Cassandre, les étrangères, parleront grec ancien. Et que le signifiant du masque grec sera ramené du Japon ou de Java, pour rapprocher le théâtre grec de lui-même.

Le temps sera celui, postdramatique, d’un moment insituable, sis entre jadis et aujourd’hui, celui du retour toujours renouvelé, toujours recommencé.

Production : Théâtre Démodocos, avec l’aide de l’association Hadrien 2000 de Vaison-la-Romaine, et l’aide de l’université d’Orléans.

Texte français, mise en scène et jeu : Philippe Brunet

Costumes : Florence Kukucka

Instruments : flûte palawan, qanoun

Masque nô et masque de Java (dessin Anahita Bathaïe / sculpture Jamhari)

Création le 9 septembre 2022 à Orléans, cour de l’Archevêché, rue Dupanloup.

Jeudi 21 juillet 19h-21h : Ovide → Narcisse ← Valéry

En romanisant une légende grecque ténue, Ovide a offert à la figure devenue mythique du personnage de Narcisse une postérité littéraire et plastique éblouissante dont les reflets ne cessent de se multiplier. Du livre III des Métamorphoses livrant le récit des amours impossibles d’Echo et Narcisse au libretto conçu par Valéry à la demande de la compositrice Germaine Tailleferre, se révèle un fascinant jeu de miroirs, séducteur et fallacieux.

C’est le poète latin Publius Ovidius Naso qui a donné ses lettres de noblesse à un modeste récit grec en le développant et le diffusant dans le monde romain du 1er siècle de notre ère au Livre III des Métamorphoses. Ovide y inscrit les traits fondamentaux d’un mythe dont la puissance d’appel et d’identification ne cessera de générer au fil des siècles nouvelles images et nouvelles variations, toutes porteuses de lectures et interprétations qui semblent inépuisables. L’affiche offre la vision picturale d’un Narcisse pris au piège du miroir d’une fresque pompéienne.

Près de 2000 ans plus tard le poète Paul Valéry, hanté par un mythe auquel il ne parvint pas à mette un point final malgré de multiples tentatives d’exploration, répond à une demande de la compositrice Germaine Taillefer et rédige le livret d’une œuvre lyrique intitulée La cantate du Narcisse, nourrie de  ses textes antérieurs et riche d’une nouvelle approche s’achevant encore sur une mystérieuse aporie.

C’est que, comme tous les grands récits mythiques, celui contant le destin de Narcisse, loin de s’épuiser au gré d’une interprétation qui prétendrait forclore son pouvoir de régénération, stimule encore et toujours nos imaginaires de ses énigmes elles aussi fascinantes. La lecture-spectacle que propose la cie Hadrien 2000 a pour objet de faire apparaître et entendre les voix multiples que ces énigmes recèlent.

Mardi 16 août 19h-20h30 : « Si Narcisse m’était conté… »

Cette version du mythe de Narcisse, contée et décalée, empreinte d’humour et de fantaisie, s’adresse à ceux grands et petits qui ouvrent grands leurs yeux et leurs oreilles pour mieux goûter les délices d’un récit qui bouscule l’original sans le trahir pour faire accéder chacun au plaisir d’un jeu d’émotions contradictoires. Il restera comme au cluedo à désigner le coupable.

Si Narcisse m’était conté… A 8 ans ou à 88 ans, je me laisserais aller au plaisir de découvrir une légende fabuleuse apparue dans la Grèce antique et colportée dans tout le monde romanisé grâce au génie poétique d’Ovide, poète latin qui en fit le récit magnifié dans le Livre III des Métamorphoses.

Ce mythe n’a cessé depuis le premier siècle de notre ère de fasciner les artistes en tous genres, peintres, sculpteurs, écrivains, cinéastes, dramaturges, qui, aujourd’hui encore, explorent et réinventent l’histoire de ce très jeune homme qui, un jour, fut surpris par sa propre image reflétée dans l’eau d’une fontaine.

Aussi est-ce bien un conte pour notre temps avec ses énigmes, ses interrogations et ses moqueries que dévoilera la conteuse dans le cadre enchanteur du Théâtre du Nymphée sur le site archéologique de Puymin, un conte que vous pouvez déjà entr’apercevoir en regardant attentivement le tableau de John William Waterhouse.

NB La billetterie de ce spectacle est affectée au soutien de l’épicerie mobile, sociale et solidaire circulant en pays vaison-ventoux portée par l’association ECOREV dont Hadrien 2000 est partenaire pour animer de courtes prestations culturelles s’adressant à tous lors des tournées du camion.

Lundi 22 août 19h-21h : « Alcool & Pierre Michon » – Vie de Georges Bandy

Insérée dans le livre des Vies minuscules, la Vie de Georges Bandy se donne à lire en miroir de deux vies que l’alcool ravage sans leur ôter leur singularité et l’exemplarité de leurs destinées. Au bout de la perte et de l’abandon, se dessine pour l’une de ces vies une trajectoire d’écriture et pour l’autre un accomplissement sur un chemin d’humilité. Lecture conduite au clair-obscur de notre humanité.

C’est à suivre un parcours d’écrivain, ancré dans le réel et magnifié par l’écriture, que vous êtes conviés à rencontrer le Pierre Michon des Vies minuscules, confronté à l’épreuve ordalique de l’alcoolisme. La vie de Georges Bandy, sixième des huit vies qui composent le livre, vous plongera, auditeurs-spectateurs, dans le double récit en miroir de l’effondrement d’un ambitieux aspirant écrivain impuissant à le devenir, opposé à celui d’un ambitieux ecclésiastique promis à une grande carrière. Or c’est en acceptant d’écrire humblement au plus près du réel mais en mobilisant les ressources de lectures intimement assimilées et en s’autorisant l’intrusion du fictionnel, que Pierre Michon devient l’écrivain qu’il voulait être en accordant le même intérêt au monde dont il vient, celui des « gens de peu », que celui de Plutarque aux « Hommes illustres ».  Se plaçant lui-même sous son propre regard, impitoyable, il peut aussi, sans rien cacher de la déchéance de l’homme qui l’avait ébloui dans son enfance, lui rendre justice des lumières qui traversent çà et là une vie cabossée, reflet d’une humaine condition. Inoubliable récit…

Cette lecture-spectacle d’1h45 est portée par trois voix, celles de deux lectrices et une musicienne.